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Les conditions à remplir pour interdire totalement l'alcool au travail


Le code du travail tolère la consommation de certains alcools sur le lieu de travail. Toutefois, si la sécurité des salariés l’exige, l’employeur peut se montrer plus strict. Appelé à se pencher sur les modalités d’une telle interdiction, le Conseil d’État fait preuve d’une relative souplesse (CE du 8 juillet 2019, n°420434).


LE PRINCIPE : Pas d'interdiction totale sans justification


Obligatoire à partir de 20 salariés – seuil qui sera relevé à 50 salariés à partir du 1er janvier 2020, en application de la loi PACTE (projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, adopté définitivement le 11 avril 2019) –, le règlement intérieur permet notamment à l’employeur de définir les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité, ainsi que les règles générales et permanentes relatives à la discipline (c. trav. art. L. 1321-1).


Fruit du pouvoir de direction de l’employeur, le règlement intérieur ne peut pas apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (c. trav. art. L. 1321-3).


Par ailleurs, en matière de consommation d’alcool sur le lieu de travail, le code du travail institue une tolérance en faveur du vin, de la bière, du cidre et du poiré. Toute autre boisson alcoolisée est interdite (c. trav. art. R. 4228-20).


Combinant ces règles, le Conseil d’État a estimé, dans un arrêt du 12 novembre 2012, que le règlement intérieur pouvait se monter plus strict que la réglementation et interdire toute consommation d’alcool, mais à condition, d’une part, que des impératifs de sécurité le justifient et, d’autre part, que ses dispositions demeurent proportionnées au but de sécurité recherché.


Sur la base de ce principe, le Conseil d’État a considéré que l’employeur ne pouvait pas proscrire dans le règlement intérieur toute consommation d’alcool sur le lieu de travail, y compris dans les cafétérias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas, sans justifier cette interdiction par une situation particulière de danger ou de risque (CE 12 novembre 2012, n° 349365).


Un arrêt du 8 juillet 2019 permet au Conseil d’État de réaffirmer ce principe dans une affaire où, cette fois, l’interdiction était justifiée par des considérations de sécurité.



L'AFFAIRE : une interdiction totale sur les postes à risques


Un équipementier automobile avait inscrit dans son règlement intérieur un principe de « tolérance zéro alcool » pour les « postes de sûreté et de sécurité ou à risque ». Une annexe dressait la liste des postes concernés, ventilés sous trois catégories : « postes de conduite », « postes de maintenance » et « autres postes ». Étaient ainsi visés les conducteurs d’engins de certains types, les utilisateurs de plates-formes élévatrices ou encore les électriciens.


L’employeur s’était cependant heurté à l’inspectrice du travail, qui, dans le cadre de son pouvoir de contrôle (c. trav. art. L. 1322-1), avait exigé le retrait de la clause en question. L’entreprise avait contesté cette décision, mais le tribunal administratif de Strasbourg comme la cour administrative d’appel de Nancy avaient refusé de l’annuler.


La cour administrative d’appel reprochait notamment à l’employeur de n’avoir pas défini de façon suffisamment précise les postes concernés. Selon elle, les dénominations employées correspondaient davantage à des métiers.


En outre, la cour considérait qu’il aurait fallu expliquer, dans le règlement intérieur, en quoi, pour chacun de ces métiers, une faible consommation des alcools « autorisés » par la réglementation pouvait s’avérer dangereuse.


Dans ces conditions, les juges ont considéré qu’il était impossible de vérifier si l’interdiction était effectivement justifiée par des impératifs de sécurité (CAA Nancy 6 mars 2018, n° 16NC01005).


Pour sa défense, l’employeur avait invité la cour administrative d’appel à mettre en parallèle, d’une part, la liste des postes figurant dans le règlement intérieur et, d’autre part, le document unique d’évaluation des risques (c. trav. art. R. 4121-1). Selon lui, la comparaison de ces deux documents mettait en évidence la nécessité d’éviter toute consommation d’alcool, même faible, aux postes visés. Mais les juges avaient estimé que l’employeur ne pouvait justifier l’interdiction totale de l’alcool en renvoyant à un document auquel le règlement intérieur ne faisait même pas allusion.


Pour le Conseil d’Etat, l’interdiction peut trouver sa justification dans le document unique d’évaluation des risques.


Dans un arrêt du 8 juillet 2019, le Conseil d’État annule la décision de la cour administrative d’appel (CE 8 juillet 2019, n° 420434). Certes, l’employeur qui interdit toute consommation d’alcool doit être en mesure d’établir que cette mesure est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.


Mais cela ne signifie pas que le règlement intérieur doive recenser très précisément les salariés concernés par cette interdiction. Il est possible, comme dans cette affaire, d’identifier ces salariés par référence au type de poste qu’ils occupent.


Il n’est pas non plus nécessaire que le règlement intérieur comporte lui-même la justification de l’interdiction de consommer toute forme d’alcool au travail. Cette justification peut donc résulter, comme dans cette affaire, du document unique d’évaluation des risques.


En sanctionnant la cour administrative d’appel, le Conseil d’État cherche, semble-t-il, à éviter un formalisme excessif et à recentrer le débat sur la prévention de la santé et de la sécurité : « l'employeur, qui est tenu d'une obligation générale de prévention des risques professionnels et dont la responsabilité, y compris pénale, peut être engagée en cas d'accident, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Par conséquent, « en cas de danger particulièrement élevé pour les salariés ou pour les tiers, il peut également interdire toute imprégnation alcoolique des salariés concernés. »



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